Jean-Marc Jancovici, consultant et enseignant, et Alain Grandjean, économiste, viennent d'écrire un ouvrage tout juste paru qui sera sans aucun doute une des contributions majeures de cette année à la problématique de la survie de la civilisation. Je prends la liberté de publier un extrait de "C'est maintenant: 3 ans pour sauver le monde" afin d'inciter le lecteur à se procurer ce livre (malheureusement) incontournable aujourd'hui.
"... Et la consommation, c'est évidemment l'intérêt des banques, qui multiplient les cartes de crédit et toutes les formes de prêts possibles et imaginables, la plus gratinée étant l'invention extraordinaire de la "recharge hypothécaire", qui est née outre-Atlantique, et que Nicolas Sarkozy rêvait d'introduire en France jusqu'à ce qu'une certaine crise des subprime lui fasse comprendre que finalement ce n'était pas une si bonne idée (pour se rafraîchir la mémoire, et sans méchanceté à l'égard de Monsieur Sarkozy). Le principe est d'une simplicité biblique: le banquier ne vous prête pas sur la base de vos revenus, mais jusqu'à concurrence de la valeur de votre patrimoine, quels que soient vos revenus. A tout moment, si le montant de votre encours est inférieur à la valeur hypothécaire de votre bien immobilier, il suffit de lui demander et votre banquier est un mec formidable. Tel le père Noël à qui il suffit de demander, il va vous faire un joli petit prêt à la consommation, garanti en prenant une hypothèque sur votre patrimoine. Le tout petit revers de la médaille est que, si vous ne pouvez plus rembourser le prêt contracté pour partir en vacances ou pour acheter le dernier modèle de canapé, on saisit votre maison et on vous fiche dehors, mais vous seriez malvenu de râler pour si peu, hein ?
Le crédit hypothécaire a été une des inventions magiques pour consommer aujourd'hui le produit du travail de demain, en prenant des garanties sur un bien dont la valeur de marché ne peut évidemment que monter, puisque la croissance perpétuelle est garantie sur facture par tous ceux qui ont des promesses à faire. C'est sur ce principe de croissance perpétuelle que sont basés, pour partie, les prêts subprime, qui consistent à prêter à des ménages aujourd'hui incapables de rembourser leurs échéances, en pariant sur le fait que grâce à la croissance économique, ils le pourront demain, ou à défaut que la même croissance aura fait moner le prix de l'immobilier qui sera saisi pour rembourser l'emprunt. Mais si la croissance n'est pas là, la belle construction intellectuelle s'écroule: les emprunteurs n'ont toujours pas de revenus suffisants, et le marché immobilier se retourne, la garantie représentée par valeur de l'actif ne valant guère mieux qu'un pet de lapin. Changement d'ambiance garantie ! Le château de cartes s'effondre. La fête est finie, la gueule de bois est sévère. Personne n'avait vu le coup venir ? Il suffisait pourtant de regarder une courbe pour comprendre que cela allait se passer; sans pouvoir dire quand exactement: celle de la production future du pétrole. Avec un plafonnement déjà survenu ou imminent (le peak oil), et donc un prix de l'énergie qui va s'orienter structurellement à la hausse dans un monde non préparé, il était évident que la croissance attendue finirait par ne plus être là (faut-il rappeler que depuis 1970, dans la zone OCDE, la croissance faiblit - voire devient négative - et le taux de chômage augmente quand le prix du baril monte, mais avec un à trois ans de décalage). Que personne n'ait rien vu venir montre surtout une chose: que le dicours tenu dans le présent ouvrage, sur le lien très fort entre contrainte énergétique et contrainte économique, est ignoré d'à peu près tout le monde dans les milieux bancaires et financiers !
Ce blocage financier va maintenant générer une belle crise économique, puisque le crédit est ce qui a permis pour une large part l'augmentation de la consommation des dernières années. La machine va se gripper et cela risque d'être très fâcheux pour ceux qui rêvent d'avoir accès à cette société de consommation et qui n'y parviendront pas. Très fâcheux aussi pour ceux qui vont constater que leur pouvoir d'achat, en fait leur pouvoir de consommer, va se réduire d'année en année, alors que "personne ne les a jamais prévenus". Très fâcheux pour les hommes politiques qui auront eu la vanité de se présenter comme des magiciens du pouvoir d'achat, et qui auraient mieux fait de se taire ou de retourner à l'école. Très fâcheux enfin pour la paix dans le monde, qui résiste mal à un océan de frustrations.
Il est grand temps de se réveiller et d'ouvrir les yeux. Nous allons devoir réduire notre consommation matérielle parce qu'elle a atteint un niveau qui n'est tout simplement pas durable. Pour le moment, rares sont ceux qui l'on compris. Pour combien de temps encore ?".
Une piste pour mieux vivre la crise qui s'installe ? Je suggère de regarder le message précédent "Réflexions sur l'art et la consommation d'énergie".
Et mon commentaire sur Amazon.fr.
lundi 23 février 2009
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